BOURSES D’ÉTUDES A L’ÉTRANGER : LA CHASSE-GARDE DES « FILS A PAPA »!

 

 

Le 24 novembre 2017, la commission d’enquête parlementaire sur l’éducation procédait, au cours d’une plénière, à la restitution de ses travaux. A cette occasion, alors que l’actualité du moment était faite de mouvements de grève d’élèves, d’étudiants et d’enseignants, le président de l’Assemblée Nationale, Alassane Bala Sakandé, avait lâché : « Nos enfants (moi aussi je suis dedans) sont dans les grandes universités à l’extérieur ». Il faisait ainsi allusions aux « politiciens et syndicalistes ». Depuis lors, ils sont nombreux les burkinabè qui voudraient savoir, comment certains arrivent-ils à financer les études de leurs enfants à l’extérieur ? Dans la quête de réponses à une telle question,  nous avons obtenu copie d’un rapport de l’ASCE/LC, publié en 2016, portant sur le processus d’attribution des bourses d’études et de stages de 2010 à 2015. Ce rapport lève un coin du voile sur la question.

 TITRE DU RAPPORT

En fin 2015, des missionnaires de l’ASCE/LC ont mis le cap sur le centre national de l’information, de l’orientation scolaire et professionnelle et des bourses (CIOSPB). Il était question pour eux de savoir si les actes d’attribution des bourses et stages, sont conformes aux textes, normes et procédures ? Visiblement, des pratiques très dommageables et malhonnêtes à la limite s’y passaient au grand dam de tout burkinabè épris d’équité et de justice sociale. A la base, une gestion opaque de l’information sur les bourses d’études.

 

 

CIOSPB.

Afin de postuler à toute bourse nationale ou étrangère d’études et de stages, cela est connu, il faut, au préalable, être mis au courant de sa disponibilité. Mais selon le rapport, le constat est que l’administration en charge de la question ne disposait d’aucun système procédural d’information du public relatif aux offres de bourses et stages. Ce qui n’est pas sans conséquences. En effet, pour informer le public sur les bourses offertes par les pays étrangers, le ministère de l’enseignement secondaire et supérieur (MESS) se frayait de communiqués qui ne renseignent pas toujours ni sur le nombre de bourses, ni sur les domaines d’études concernés par ces bourses. En plus d’être incomplets, ces communiqués étaient parfois tardifs. Pire encore, les délais de dépôt des dossiers de candidatures aux bourses sont quelques fois antérieurs aux dates de signature des communiqués.  On note également que les délais de dépôt des dossiers de candidatures aux bourses précisées dans les communiqués sont quelques fois cours (moins d’une semaine). C’est évident que de pareils délais ne permettaient pas aux candidats « ordinaires » de postuler dans des dispositions adéquates.  En pareille circonstance, le favoritisme ne manque pas de s’introduire dans le circuit. L’une de ses manifestations, c’est le non-respect des conditions de réception des dossiers de demande de bourses d’études et de stages. Il ressort que le CIOSPB reçoit des dossiers incomplets de certains candidats aux bourses, quitte à ce qu’ils les complètent plus tard. Qui sont ces candidats ?

Communiqués relatifs aux offres de bourses en chiffres.

2013 : 46 offres ; zéro communiqué

2014 : 48 offres ; 06 communiqués

2015 : 34 offres ; 14 communiqués

2016 : 17 offres et 19 communiqués

Le rapport révèle que le MESS n’était pas le seul ministère à déterminer le sort à réserver aux bourses étrangères. Une gestion parallèle existait. Il ressort que certaines bourses étrangères étaient gérées par le ministère en charge des affaires étrangères. Aucune traçabilité de ces bourses n’a été trouvée entre les deux ministères.

Les bourses spéciales ou bourses réservées aux enfants et protégés de hauts cadres et de dignitaires.

Outre les manquements procéduraux, les missionnaires de l’ASCE/LC ont découvert autres choses d’anormales et même plus graves. C’est la non-adéquation et non-respect des textes régissant les bourses d’études et de stage. Une véritable magouille gouvernementale : cela concerne les bourses dites bourses spéciales. Ces bourses représentaient par an 8% du contingent national des boursiers, soit de l’ordre de 160 bourses par an.  Ces bourses ne sont assorties d’aucun critère d’octroi  et leur attribution est à la seule discrétion du ministre en charge de l’enseignement supérieur. Les contrôleurs se sont aussi rendu compte que la plus part des bourses d’études à destination des Etats-Unis d’Amérique, du Canada, de la France, sont toutes des bourses dites spéciales.

Certains ont même développé des stratégies d’obtention de bourses pour l’extérieur. En effet, le rapport explique que « les bourses intermédiaires pour des études à l’étranger ou bourses obtenues en cours de cursus à l’étranger ne sont pas conditionnées par les revenus des parents. Des étudiants n’ayant pas obtenu la bourse en 1ère année à cause de la bonne situation financière de leurs parents, contournent ces difficultés en s’inscrivant en 1ère année à l’extérieur à leurs frais et en demandant en cours de cursus la bourse spéciale qu’ils obtiennent ». Le non respect des textes est observé également au niveau de la régularisation des bourses. Au lieu de 3 ou 5 ans maximum certaines bouses ont été renouvelées sur 7 à 8 ans.

 Et qui sont les étudiants bénéficiaires de ces différentes bourses spéciales ?

Les noms des bénéficiaires de ces bourses ne disent pas forcément grand-chose, mais les profils de leurs parents ou protecteurs disent tout. Voici ces profils :

Chercheur, premier ministre, ministre, député, ambassadeur, directeur général,  vice-gouverneur de la BCEAO, conseiller à la présidence du Faso, conseiller économique dans une ambassade, conseiller des affaires étrangères, fonctionnaire international, professeur d’université, secrétaire général de ministère, régisseur de bourses au CIOSPB, magistrat, maire.

La magouille s’explique du fait que tous ces filles et fils qui ont eu droit à ces bourses spéciales n’ont pas la moyenne requise. Et en majorité, ils n’ont que des mentions passables. Alors que pour bénéficier d’une bourse extérieure, la moyenne requise par les textes est de 14 au minimum, avec un baccalauréat de l’année en cous.

Les contrôleurs de l’ASCE/LC ne sont pas partis de mains mortes pour décrier la pratique : « les bourses dites spéciales sont sujettes à des abus et discriminations divers. En effet, des enfants de hauts cadres et de dignitaires, n’ayant même pas satisfait aux conditions de moyenne pour l’obtention de la bourse nationale, obtiennent des bourses pour les études aux Etats-Unis, Canada, France, Belgique, Maroc, Tunisie, Sénégal ». Lit-on dans le rapport.

En plus de ces bourses spéciales, il faut noter qu’il existe un quota sans base légale, de bourses attribuées aux étudiants enfants de diplomates burkinabè qui sont en fin de séjour dans leur pays d’accueil afin de permettre auxdits enfants de continuer leurs études dans lesdits pays. Ces étudiants enfants de diplomates, en bénéficient, même s’ils ne remplissent pas les conditions de moyenne et de revenu des parents.

Avec tous ces constats, les missionnaires de la structure de contrôle d’Etat et de lutte contre la corruption ont égrainé des conséquences très nauséabondes telles : l’absence de transparence dans l’attribution de la bourse spéciale ; l’attribution de bourses à des candidats non méritants et/ou non éligibles (des candidats dont les parents sont capables de prendre en charge les bourses de leurs enfants) ; l’absence d’équité dans l’attribution des bourses, l’attribution de bourses sur la base de filiation/relation parentale des candidats ou sur la base politique et autre ; collusion et corruption.

Une bourse spéciale peut financer 15 bourses nationales

Le rapport sur les bourses d’études produit par l’institution dirigée par Luc Marius Ibriga, révèle également qu’en plus d’être  toutes des bourses spéciales, les bourses pour les Etats-Unis et le Canada sont attribuées aux étudiants dont les parents sont capables de supporter près de 8 000 à 10 000 euros par an de frais d’études supplémentaires. L’Etat, ne prenant en charge qu’un plafond de 2000 euros au titre des frais de formation. «  Toute chose qui écarte d’office les enfants dont les parents sont moins nantis financièrement », relèvent les contrôleurs. Par comparaison, ces derniers expliquent qu’une bourse spéciale pour entreprendre des études aux Etats-Unis, au Canada ou en Europe, peut financer en moyenne 15 bourses nationales à des étudiants dans des universités publiques du Burkina Faso. De ce fait, les enquêteurs concluent qu’il y a pénalisation des candidats méritants et dont les revenus des parents sont modestes et aussi, une inéligibilité injuste de certains candidats.

BOURSIERS UNIVERSITES BURKINABE.

BOURSIER ZONE EUROPE

BOURSIER ZONE AMERIQUE

Quelques exemples de profils de parents et performance de boursiers.

1- C. Kyelem ; bourse pour la France avec 10 de moyenne ; ancien baccalauréat  et fils d’ancien député.

2- B. Zakané ; France ; 10,08 de moyenne ;  fils d’ancien ministre

3- R. Manli ; Maroc ; 11,72 de moyenne ;  fils d’un DG du CIOSPB

4- S. Tiao, France, 10,02 de moy enne ; fille d’ancien premier ministre

5- K. Bénao ; bourse obtenue pour les Etats-Unis sur intervention d’un premier ministre

6- W. Bouda ; Etats-Unis ; fils d’ancien ministre

7- S. Barro, Etats-Unis, fille d’un ancien Vice-Gouverneur de la BECEAO et ancien conseiller à la Présidence du Faso

8- C. Bonanet ; France  avec un ancien baccalauréat ; fille d’un ancien ministre

9- C. Zongo ; Etats-Unis ; aucun diplôme ou attestation dans son dossier.

10- W. Tiendrébéogo ; Canada ; Prête et frère d’un ancien DG du CIOSPB ; renouvellement de la bourse sur 7 ans au lieu de 3 ans.

 

 

24 réflexions sur “BOURSES D’ÉTUDES A L’ÉTRANGER : LA CHASSE-GARDE DES « FILS A PAPA »!

  1. Les honnête citoyens avec de bonnes moyennes ne demandent une petite bourse pour continuer leur études en Thèse . Et on leur refuse prétextant qu il n y a pas de bourse . Grâce à vous le pays avancera

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  2. donc ça veut dire que nous on est la,on travaille tres dur dans nos conditions de pauvreté et malgré ça, c’est nous qui sommes injustement privés de tout. meme cette année 2017,ces magouilles sont toujours la.moi j’ai obtenu 16.85 de moyenne et je me contente d’une miserable bourse au maroc alors que plusieurs de mes camarades de classes se retrouvent en amerique,d’autres en Europe,et figurez vous,ils ont des bourses de je ne sais quoi;des gens qui ont eu des notes misérables au bac.Dans cette situation,il n’ya que les statuts de leurs parents que je vois en tête. où allons nous,dans un monde où seuls les riches,même non méritants sont privilégiés au detriment des pauvres malgré leur mérite,c’est écoeurant; le pays ne peut pas avancer dans cette allure.

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  3. Ah! Qulqu’un qui vole pour avoir un examen, qui vole pour avoir un boulot, comment peut-il arrêter de voler quand il a l’accès aux deniers publics? Y a longtemps bosser dur ne paye plus au BF. Puisque travailler dur ne conduit plus aux emploi qui payent bien. Alors que des malfrats de ce genre sont exactement comme des terrorists. Auj si tu es bien éduqué l’incivisme des autres va te jah prematurement.

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  4. Bonjour mon frère, je viens de lire votre publication, par empathie je comprend votre souffrance, mais je vous exhorte au calme, ils sont des humains qui ont agi sans conscience du futur,voila malheureusement qu’ils sont célèbres tristement. Que chacun agissent de sorte que la maxime de son action soit érigée en loi universelle.

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  5. Pingback: Burkina Faso : Bourses d’études a l’étranger, la chasse-gardée des « fils a papa »! | Netafrique

  6. Vous voyez comment les politiciens ont fait hold-up sur le pays. Restez-la a dire que ca ne fait rien. Ces gens-la ne connaisent pas la honte. Ils peuvent meme otr les toits de vos maisons en non- lotis pour griller leur arachides. Si on se tait, ils ne vont pas changer. C’est des maudits. Ils trichent pour mettre leurs enfants dans les meilleurs etabloissements, ils trichent pour qu’ ils aient les diplomes, ils trichent pour qu’ ils continuent a l’ etranger, ils vont revenir, ils tricheront pour les caser dans les meilleures banques, les meilleurs postes. Nous on sera toujours derriere, derniers. Ces rapaces, on doit les empecher de nuire d’ avantage aux enfants ds pauvres. On va creer une OSC pour la survreillance des bourses. Il y a ailleurs des bourses de merite, d’excellence et des bourses aussi basees sur le revenu familial. Ce n’est pas bon que l’ enseignement superieur soit un facteur d’ inegalites sociales. Comment le pays peut disposer d’ un bon capital humain si on fait expres pour barer la route aux enfants brillants tout simplement parce que leurs parents ne sont pas forts? Qui va trouver le remede contre le palud ou l’ hpatite un jour? On connait?

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  7. Bonjour mon frère. Merci d’avoir accepté relayer ce rapport de l’ASCE/LC. Par cet écrit, vous contribuez à faire avancer notre pays. Personnellement j’ai été victime de cette injustice. Le CIOSP-B m’a purement et simplement refusé une bourse pour le DEA en 2008 alors que j’étais dans les bonnes dispositions (environ 13.5 / 20 de moyenne et âgé de moins de 27 ans) pour en bénéficier. En rappelle, pour cette même année, la bourse nationale a été accordée à des étudiants qui avaient 12,00/20. C’est pour dire qu’il y a lieu que des mesures idoines soient prises pour mettre fin à ces pratiques malhonnêtes, au grand bonheur des candidats les plus méritants.

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  9. Chapeau à l’auteur de cet article. Bien qu’avoir été victime de leur magouille une lueur d’espoir s’installe en moi quant à l’avenir du Burkina Faso en lisant des œuvres d’une aussi clarté et pétrie d’informations. C’est une première…
    J’attends impatiemment le prochain article.

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  10. Les uns accaparent, pillent, mangent et les autres observent, regardent. Ils ne se contenteront pas de regarder et d’observer ad vitam aeternam. Ainsi naissent les révolutions et les insurrections. Les mêmes causes produisent les mêmes effets, tôt ou tard, inéluctablement. Mais le plus tôt le mieux. The higher you go, the harder the fall!

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